Yoan – Naissance respectée… même à l’hôpital

Grossesse plutôt harmonieuse suivie par les sages-femmes de Tilia. Tout se présente parfaitement pour ce deuxième ange dont la naissance est prévue dans le calme de la maison de naissance. Je me réjouis de ce moment merveilleux et paisible. Mais voilà…

17 juillet 2015, 6h du matin, je découvre avec déplaisir que mon pyjama est mouillé. Encore dans les brumes du sommeil, je n’ai pourtant pas un instant de doute : je perds les eaux ! Malström d’émotions contradictoires. Déjà ? C’est trop tôt ! Vraiment ? Oh, on va voir notre bébé ! Mais, non, pas encore, pas maintenant ! Pas avant le 29 juillet. Nous n’en sommes qu’à 35 semaines de grossesse…

C’est le cœur lourd que je contacte Myriam pour lui expliquer la situation. J’ai envie d’espérer que ce n’est pas ça, je n’ai pas de contractions. Si tôt, ça signifie que notre rêve de vivre une seconde naissance paisible au sein de Tilia ne se réalisera pas. A 35 semaines, il me faudra aller à l’hôpital. RDV est fixé à 14h30 à Tilia, pour faire un check. Je vaque toute la matinée à mes occupations et en prévision de l’hôpital, je rédige une liste de points importants à respecter pendant et après l’accouchement. Un pense-bête pour mon mari, une ligne de conduite. Je me repose, je bouge, je n’ai toujours pas la moindre contraction. Mon mari est revenu du travail, ma maman est venue s’occuper de mon aîné et moi j’attends. J’attends d’arrêter de perdre les eaux. J’attends de ressentir une contraction. J’attends tout et son contraire. Je voudrais tellement que ça ne soit pas ça. Mais je sais bien… Je sens que le moment se rapproche. Confirmation est donnée par Myriam, oui, l’accouchement a commencé et il devra avoir lieu à l’hôpital. J’ai le moral au fond des chaussettes !

On fait ensemble le tour des options. Il n’y en a pas beaucoup. Au moins, une chose est sûre, nous n’irons à l’hôpital que lorsque le travail sera bien en route. D’ici là, on va tenter de déclencher le travail naturellement. Myriam est d’un grand secours, elle nous guide et nous offre toute l’aide possible : c’est elle qui fera le relais avec l’hôpital.

RDV d’acupuncture à la fin de l’après-midi, puis nous rentrons. A la maison, je reprends le cours normal de la fin de journée. Je joue avec mon aîné, enchanté de voir maman courir après la balle, sauter à pieds joints et tourner en rond dans la pataugeoire. Nous mangeons tous ensemble et je ressens, enfin, une première contraction. Une légère crampe, presque rien, mais enfin quelque chose. La soirée se poursuit et je note les heures. Je donne encore un bain à mon aîné, nous le couchons comme tous les soirs. Puis nous nous focalisons sur la naissance à venir.

Je prends une bonne dou20150719_082956che, autant pour me détendre que pour faire le point. Mes démons me hantent. J’ai besoin de réconfort, j’ai besoin de douceur et d’amour. Mon mari est là ! Il fait doux, il fait encore jour, nous décidons donc d’aller faire une balade. Nous marchons pendant une bonne heure et plus, jusqu’à ne plus voir où nous posons les pieds. Les contractions sont bien présentes maintenant, mais irrégulières et pas bien fortes. Pour passer chaque vague, j’entoure le cou de mon mari, je respire profondément, lui me caresse le dos et à la fin nous nous embrassons. Petit rituel simple et rassurant. Je suis calme, nous sommes calmes, nous discutons de tout et de rien.

De retour à la maison, je propose que nous allions dormir un peu. Je ne ressens pas d’urgence, autant se reposer. Couchée, les contractions continuent, nous ne dormons pas vraiment. Une heure plus tard, je passe aux toilettes et là je sens… Je sens que c’est le moment de partir. Mon mari acquiesce, nous avons quand même encore 20 minutes de route et accoucher dans la voiture n’est pas ce qui a de plus tentant.

23h30 en route pour la maternité. Quatre ou cinq contractions pendant le trajet, quelques une entre la voiture et l’entrée de l’hôpital. Nous arrivons à 0h20. Et nous attendons jusqu’à 0h40 le temps qu’une des sages-femmes de garde cette nuit-là nous reçoive dans une salle de monitoring. Nous lui expliquons en gros la situation et qui nous sommes. Elle ne me croit pas en travail. Nous commençons à remplir le dossier d’admission : nom, prénom, numéro de téléphone, antécédents, etc. Je suis branchée au monitoring. Parfois j’interromps la conversation, le temps d’une contraction. Je respire profondément et mon mari me masse les hanches et le bas du dos. Puis nous reprenons.
Laissés seuls, le monitoring branché, la lumière éteinte, mon mari et moi reprenons notre rituel un peu adapté vu ma position couchée. 1h50 je n’en peux plus. Nous enlevons le monitoring. Au diable ! Ils ont eu leurs 30 minutes ! Je me remets en position verticale. Les contractions s’intensifient, je dois maintenant respirer très profondément et me concentrer sur l’inspiration pour surfer la vague. Mon mari me masse le bas du dos et me secoue les hanches. Il compte 4 ou 5 contractions nettement plus intenses que les précédentes – moi, je ne suis déjà plus qu’à moitié présente – et décide qu’il nous faut demander à aller en salle d’accouchement.

Un homme sage-femme prend la mesure de la situation, et nous accompagne en salle, carrément stressé. Sur le chemin que je parcours à pied – j’ai décliné la chaise roulante – viennent encore deux contractions, où respirer ne suffit plus. Je gémis dans les aigus. Arrivé en salle d’accouchement, la sage-femme  et la médecin de garde sont là. On me demande de me déshabiller. Ok ! On me dit qu’il faut mettre une perfusion, je refuse. On me prie d’accepter au moins une prise de sang, j’acquiesce, tout en riant intérieurement ; qu’ils essaient ! Parce que pendant tout ce temps, je marche, je bouge, je ne tiens pas en place. Deux contractions d’une nouvelle sorte. Je me suspens à ce que je trouve, je me mets accroupie et j’émets des sons graves, des vibrations que je ressens à l’intérieur de moi.

Ils veulent m’examiner, savoir à quoi j’en suis, me posent des questions, me pressent de faire ceci ou cela. J’entends tout, une partie de moi l’enregistre, mais je suis déjà loin, je suis déjà avec Yoan que je sens sur le point de naître. J’essaye quand même de me plier à l’examen, en m’asseyant sur le tabouret. Mais à peine j’essaye, inutile, je me rue par terre à quatre pattes. La sage-femme n’aura d’autre choix que de m’examiner dans cette position-là. Elle s’écrie : « On voit la tête » ! Moi, je sais ! Moi, je sens ! Mon mari, se fait mon interprète, qu’on me laisse comme ça. Il continue à me masser le bas de dos et à exercer une pression sur mes hanches. C’est divin !

Trois ou quatre contractions de poussées. Je vibre des sons graves. Je respire. Je soutiens mon périnée d’une main. Puis j’attrape Yoan et le serre sur mon cœur. Il est 2h17, il est né. Et nous avons pris tout le monde de court. Pas de routine, pas le temps de suivre la norme ou de devoir discuter. Mon mari les empêche de couper le cordon avant qu’il n’ait fini de battre et je souris heureuse. Je me sens forte, je me sens vivante.

Yoan est un peu trop bleu. Ils me disent qu’il a de la peine à respirer. Il faut qu’il voie un pédiatre. Ils me promettent d’en faire le moins possible, de me le ramener tout de suite, de ne pas le laver. Je le laisse partir 5 minutes. On me le ramène et il reste avec moi.

Puis commence l’attente de la délivrance. Ça prend du temps. La lumière est trop vive, il y a trop de monde, de questions, de dialogue, de choses à comprendre, à réfléchir. La routine de l’hôpital reprend déjà ses droits. Presqu’une heure passe et toujours rien. Trait de génie de la médecin qui a dû comprendre qui je suis. « Il faut que vous nous donniez ce placenta, sinon… On vous amène au bloc opératoire ». Quoi ? Pas question ! Deux poussées et le placenta est dehors.

Je reprends Yoan dans mes bras, il tète tranquillement. Il sera pesé et habillé plus tard. Je reprends pied dans la réalité et l’hôpital redevient ce qu’il est. Il nous faut de nouveau répondre aux demandes, être socialement adapté, refuser des routines. Qu’importe ! Le plus important c’est que la naissance de Yoan ait été respectée !

 

     

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