L’incroyable dans le quotidien

Vendredi 21 octobre 2016, je me lève à 6h pour assurer mon quotidien. Je me demande, comme chaque matin depuis une semaine, si ce sera LE grand jour – il faut dire que c’est la plus longue grossesse des trois – et passe à la suite. J’amène les garçons à la crèche, je fais mes courses, je rentre pour me coucher une petite heure et repartir pour mon rendez-vous. Puis je vais récupérer les garçons à la crèche et on part profiter du soleil sur une place de jeux. Je joue, je porte, je balance et passe un beau moment avec mes enfants. Mais comme tous ces derniers jours, je me sens fatiguée.

De retour à la fin de la journée, je me coucherais bien un moment, mais il faut faire le souper et lire une histoire, faire marcher le cadet et jouer avec l’aîné. Puis mon mari rentre et je ressens une crampe. Je n’y prête pas beaucoup d’attention, il est 18h10 et mes casseroles fument. Quelques crampes plus tard, je me demande si ce sont des contractions. Mon mari me propose de noter les heures et je me moque de moi-même : au troisième accouchement, je pourrais quand même être sûre de moi ! Les crampes se succèdent, irrégulières et courtes, pendant le repas. Pour assurer le coup, j’appelle ma maman pour lui demander de venir garder les grands et j’appelle le numéro de garde de Tilia pour prévenir que je vais sûrement réveiller la sage-femme cette nuit.

C’est Clémence qui répond. Petit tour de situation, on convient que je rappelle quand j’ai du nouveau et je retourne à mes occupations de fin de journée. Je monte couler le bain pour les garçons, sortir leurs pyjamas, préparer leurs biberons. Les contractions forcissent, j’adopte une position appuyée en avant sur le lavabo pendant quelle passent et je bouge mon bassin comme une danseuse du ventre entre deux. Je frustre un peu, je n’ai aucune idée du temps qu’il me reste, « si au moins je perdais les eaux j’aurais une idée ». A peine cette pensée me vient que plop ! la poche se rompt. Je confirme à mon mari, à ma maman et à Clémence que c’est bien pour cette nuit et je rassemble mes derniers effets pour être prête à partir quand les garçons seront couchés d’ici une heure.

On met les garçons au bain et l’agitation qui règne me pousse à partir dans la cuisine. Je range un peu du souper, j’écris encore deux trois messages puis une contraction bien plus forte me force à arrêter. 19h40, je marche, je tourne mon bassin en rond et une seconde contraction me cloue sur le plan de travail. « Bon sang, si c’est déjà d’une telle intensité, je ne supporterai jamais le travail au complet ! ». Cette pensée me vient et est tout de suite remplacée par une autre : « J’ai envie de pousser ! ». Je reste incrédule. Déjà ? Mais la contraction suivante me jette à quatre pattes et je ne pense plus ! Je pousse, je bouge, je grogne et je respire. Mon corps a pris le contrôle. J’appelle mon mari « C’est maintenant ! ». Il a déjà deviné, a déjà sorti le cadet du bain et sécurisé la salle de bain.

19h43, il appelle Clémence pour lui dire qu’on n’aura pas le temps de venir et qu’elle doit se déplacer. « Je sens la tête ! » Il lui donne la bonne adresse. « J’ai la tête ! » Il raccroche. « J’ai le bébé ! » Joël est né ! Je demande des linges pour le garder au chaud, je le colle en peau à peau et m’étends sur le carrelage de la cuisine. Mon mari va chercher d’avantage de linges et des couvertures pour m’installer confortablement. Il s’occupe des garçons, les habille, et vient me rejoindre avec eux. Moi, je goûte au délice d’avoir mon bébé sur moi, à la félicité de la naissance et à l’étrangeté de tout ce remue-ménage quand je me sens si calme.

Ma maman arrive et prend sa place auprès des garçons pour leur expliquer ce qui se passe. Mon aîné est tout impressionné, mon second voudrait bien venir découvrir ce tas de linge. 20h Clémence arrive et prend la mesure de la situation. Sa liste en tête, elle vérifie ce qui doit l’être. Le cordon bat encore, Joël est encore relié. Tout va bien. Je l’entends expliquer à mon aîné ce qu’elle fait, mon mari coupe le cordon et je ressens les contractions nécessaires à la délivrance. Tout se déroule calmement entrecoupé par l’excitation de mes garçons qui vivent un moment incroyable. J’expulse le placenta et demande à mon aîné de ne pas sauter autour de ma tête. J’ai froid maintenant, on m’aide à aller sur le canapé, on me couvre. Mon cadet doit aller dormir, ma maman s’en occupe. Mon ainé tourne en rond et Joël est toujours sous des linges sur mon sein. Le quotidien continue, il n’a jamais été interrompu et pourtant, un bébé est né, une nouvelle vie a débutée !

     

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